La CNIL publie son cahier air2023 « IA et libre-arbitre : sommes-nous des moutons numériques ? »

22 avril 2024

Dans le cadre de sa mission éthique, la CNIL publie son cahier air2023 afin de partager et de poursuivre les réflexions menées à l’occasion de l’évènement, organisé fin 2023, sur l’influence de l’intelligence artificielle sur nos choix. Il reprend les contributions des intervenants sous la forme d’entretiens et de témoignages.

L’IA, de la transformation de notre quotidien aux mutations du travail 

Dans nos moteurs de recherche, dans nos playlists ou pour nous conseiller le prochain film à regarder, l’IA est déjà omniprésente pour améliorer le confort de notre quotidien. Depuis quelques années, notamment avec l’arrivée fracassante et gratuite du robot conversationnel ChatGPT, le grand public s’empare rapidement et massivement des intelligences artificielles génératives. Au-delà de l’Union européenne, qui a depuis deux ans et demi mis sur la table un projet de règlement des systèmes d’intelligence artificielle, les grands acteurs publics mondiaux se mobilisent de manière inédite sur la question.

Au quotidien, l’utilisation de ces nouvelles technologies soulève des interrogations essentielles sur notre rapport à l’apprentissage et à la connaissance, ainsi que sur nos capacités cognitives et mémorielles et sur les interactions entre êtres humains. Sommes-nous en train d’homogénéiser notre manière de penser, nos choix, nos goûts ?

Au travail, les technologies d’intelligence artificielle sont présentées comme libératrices de tâches à plus ou moins grande valeur ajoutée. Si l’IA peut émanciper les travailleurs d’un certain nombre d’activités pénibles et chronophages, sa standardisation au sein de l’organisation du travail porte aussi le risque d’homogénéiser et d’automatiser les processus de travail. Comment faire en sorte que le travailleur assisté par l’IA comprenne et garde le contrôle sur son outil de production ? À côté des processus, les nouvelles compétences exigées par l’utilisation de l’IA transforment aussi le marché de l’emploi. Quelles sont ces mutations, quels risques et quelles possibilités offrent-elles ? Quelle régulation politique faut-il espérer ?

 

Toutes ces questions ont fait l’objet de débats passionnés et passionnants lors de l’événement air2023.

Vous pouvez désormais en consulter la synthèse dans les cahiers air2023, mais aussi les revivre en regardant la rediffusion en ligne.

 

C’est parce que le développement de l’intelligence artificielle met en tension des libertés fondamentales qu’elle impose une réflexion éthique, pas pour brider cette technologie mais pour que la promesse qu’elle porte d’amplifier l’intelligence humaine se réalise.

 

- Marie-Laure Denis, présidente de la CNIL

Le cahier air2023

Télécharger le cahier air2023

Souhaitant partager les travaux et débats conduits lors de l’évènement de novembre 2023, la CNIL publie aujourd’hui le cahier air2023 « IA et libre arbitre : sommes-nous des moutons numériques ? », qui reprend les grands axes de l’évènement :

  • L’IA au quotidien : comment faire pour que l’intelligence artificielle soit au service de nos vies ?
  • L’art de l’artifice : comment mettre l’IA au service de la créativité ?
  • L’IA et les mutations au travail : comment l’IA peut-elle être mise au service du marché de l’emploi, des entreprises et des travailleurs ?

Ce cahier s’adresse à tous, qu’il s’agisse du grand public – premier concerné par les transformations apportées par l’IA, des professionnels mettant en place des solutions innovantes, des chercheurs, ou encore des pouvoirs publics.

 

Voir la rediffusion de l’évènement


Pour aller plus loin : entretien avec Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences

Les IA sont-elles déjà plus performantes que les humains ?

Il arrive en effet que le silicium rétame le neurone, par exemple lorsqu’il s’agit de jouer aux échecs ou au Go. Mais les machines qui nous battent ne comprennent rien à ce qu’elles ont appris ni à ce qu’elles font, et elles consomment beaucoup plus d’énergie qu’un cerveau humain.

Quels choix n’appartiennent encore qu’à nous ?

On peut débattre sans fin de notre aliénation par l’IA, voire de notre « remplacement ». Il est certain que nous allons perdre ici et gagner là. Reste la question de la « vie de l’esprit » : que va-t-elle devenir dans un monde gorgé d’écrans, sans cesse rythmé par les clics et saturé d’informations ? La photographie, lorsqu’elle a été inventée, a paru menacer la peinture. Provoqués par cette concurrence technique, les artistes-peintres ont réagi en inventant l’abstraction. La mise au point toujours plus perfectionnée de l’intelligence artificielle va-t-elle produire un effet du même type, c’est-à-dire provoquer un essor de l’esprit ? Ou bien finira-t-elle par nous abêtir ? Et nos cerveaux humains sauront-ils toujours distinguer ce qui relève des algorithmes de ce qui constitue leurs propres pensées ?

Quelle différence faites-vous entre innovation et progrès ?

Le mot « progrès » a quasiment disparu des discours publics, remplacé par « innovation ». Or, à l’examen, on constate que nos discours sur l’innovation se détournent de la rhétorique du progrès : Il faut innover, expliquons-nous, non pour inventer un autre monde, mais pour empêcher le délitement de l’actuel. Tout en brandissant l’étendard de la nouveauté, nous faisons en somme comme si le temps qui passe était corrupteur, c’est-à-dire aggravait les situations et les défis à relever. Or, une telle conception tourne le dos à l’esprit des Lumières, pour qui le temps est au contraire constructeur et complice de notre liberté – à condition, bien sûr, que nous fassions l’effort d’investir dans une certaine représentation du futur, qui soit à la fois crédible et attractive.